Efficacité énergétique dans l’immobilier tertiaire français : Cédric Borel vous livre son analyse

Agathe Monteil
Date26 avril 2018

Fin mars, I’Institut Français pour la Performance du Bâtiment (IFPEB) dévoilait les lauréats du concours CUBE 2020, un concours destiné à réaliser un maximum d’économies d’énergie sur un bâtiment sur une période d’un an. Cédric Borel – directeur de l’IFPEB – revient sur les résultats de cette troisième édition et décrypte les évolutions du marché.

En tant qu’observateur privilégié du marché, est-ce que vous sentez une évolution des acteurs du marché immobilier sur les questions de performance énergétique ?

Cela fait 5 ans que le sujet est en train de se professionnaliser fortement. À l’impulsion post Grenelle se mettent en route les premiers groupes de travail spécialisés dans le tertiaire qui imaginent les progrès réalisables d’ici à 2020, comme la Commission du Plan Bâtiment Durable qui a donné lieu au fameux rapport Gauchot en 2011, auquel fait suite la saga « Décret tertiaire » qui n’est toujours pas entré en vigueur. Finalement, cette impulsion s’est notamment concrétisée en 2013 à travers la signature de la Charte Volontaire sur l’Efficacité Énergétique des Bâtiments Tertiaires Publics et Privés, toujours initiée par le Plan Bâtiment Durable.

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Les maîtres d’ouvrages, en avance, sont passés depuis 4 ou 5 ans des « audits » à une modalité de commissionnement des bâtiments existants ou « rétrocommissioning ». Ce sont de véritables « Dr House du tertiaire existant » qui réalisent l’étude des améliorations, les mettent en œuvre en pilotant les éventuels prestataires et vérifient les résultats en termes d’économies et confort. Côté recensement des consommations, grâce aux nouvelles technologies comme l’IoT ou le data-analytics, d’autres prestataires fabriquent plus facilement « l’image énergétique » de leur parc à travers l’analyse fine des bâtiments existants, ce qui est un préalable à l’action comme les retours d’expérience de la charte tertiaire nous l’enseigne. Tout cela joue dans l’accélération de l’efficacité énergétique du parc tertiaire.

Pensez-vous que la réglementation est aujourd’hui le principal moteur des acteurs du marché immobilier ?

Cela dépend des secteurs du tertiaire. Suite à la prise de conscience généralisée initiée par le Grenelle, une véritable compétition verte s’est installée dans le parc locatif privé de bureaux. Les questions relatives à la performance énergétique des bâtiments deviennent une condition sine qua non d’une bonne location ou vente, c’est un critère de performance intégré à la performance économique.

On remarque, en revanche, qu’une autre partie du parc tertiaire n’est pas “liquide”, c’est-à-dire qu’elle n’est pas arbitrée sur le marché. C’est notamment le cas de tout le parc public et des collectivités, dont notamment les collèges, lycées, ou encore les hôpitaux. Il y a aussi les bâtiments dont les entreprises sont propriétaires et qui, sans être maîtres d’ouvrages professionnalisés, sont propriétaires de leurs locaux.
Dans ce cas, soit ces acteurs sont déjà en mouvement suite à une prise de conscience ou pour avancer pour un impératif d’exemplarité environnementale – notamment pour le parc public -, soit c’est la réglementation qui sera le moteur de l’action.

En juillet, nous avons assisté à la suspension du « décret tertiaire » qui instaurait l’obligation de rénovation énergétique pour les immeubles tertiaires. La nouvelle administration reprend le flambeau avec la loi ELAN. Quel est votre sentiment sur ce nouveau texte ?

La loi ELAN corrige quelques maladresses formelles de rédaction de la précédente version du texte. Globalement, cette nouvelle version est plus agile et installe mieux le dialogue entre les propriétaires et les locataires sur les sujets de performance énergétique au sein du parc locatif.

Néanmoins, je regrette qu’elle ne propose pas encore de marche intermédiaire avant l’horizon de 2030, par exemple. Les premières actions réalisées sont celles qui présentent le meilleur ROI et permettent de préparer les propriétaires et les occupants aux opérations plus lourdes nécessaires pour aller chercher les 40, 50 ou 60% d’économies qui seront demandés dans les décennies à venir.

Vous avez récemment remis les trophées CUBE 2020. Quels enseignements tirez-vous de cette 3ème édition ?

L’idée derrière le Cube est véritablement de créer une émulation au niveau du bâtiment, d’avoir les parties prenantes techniques, les parties prenantes décisionnelles et les utilisateurs qui interagissent pour « brainstormer » et trouver ensemble de nouveaux réglages du bâtiment à partir d’un point qui n’est jamais optimum. C’est un gisement d’économies puissant.

La 3ème édition confirme cet « effet Cube » notamment chez les lauréats. Nous sommes toujours surpris, voire épatés par les études de cas que nous avons entre les mains et par le niveau de réalisation du top de liste que nous auditons. Les résultats cette année sont sans appel : sur un panel de 236 bâtiments, la moyenne des économies réalisées dépasse les 10% et celle des 20 premiers s’élève à 25%. Mais je pense aussi à tous les autres qui, sans avoir eu la chance d’atteindre un podium, ont progressé, ou essayé de progresser et ont touché des limites d’organisations ou de management qui peuvent maintenant être surmontées. Un candidat nous a dit « on a constaté qu’on était mal organisé pour travailler « à fond » un bâtiment. Maintenant nous avons créé un poste de coordination et sommes prêts pour… les prochains concours. »

Quelles sont les nouveautés prévues pour la 4ème édition ?

Suite à de nombreuses demandes concernant l’exportation de la formule en dehors des frontières, nous sommes en plein déploiement européen du Cube. Nous souhaitons également mettre en place des plateformes de collaboration sur les bonnes pratiques dans toutes les métropoles où la densité des candidats est suffisante pour qu’il y ait un intérêt à faire de l’échange localement. Nous allons beaucoup travailler sur ce côté « intervilles » car c’est fun, mais c’est aussi un vrai levier de collaboration sur le terrain que de se dire qu’il faut battre les autres. Je ne sais pas si l’homme est davantage collaboratif ou compétitif, mais on voit que lorsqu’on mélange les deux pour le développement durable, on obtient d’excellents résultats !

Nous pouvons aussi mentionner l’arrivée de Cube.S, une modalité spéciale de Cube adaptée en termes de ressources à l’enseignement scolaire avec un kit candidat et une saisonnalité du concours adaptés au calendrier scolaire.

Merci Cédric Borel !

Pour aller plus loin :

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