[Interview] : « La transition écologique et énergétique est sociale avant tout. » Lois Moulas, Directeur général de l’OID

Clémence Michel
Date10 octobre 2017

A l’heure du renouvellement de la Charte pour l’efficacité énergétique des bâtiments tertiaires du Plan Bâtiment Durable (le 11 octobre), la question se pose : est-ce le signe de l’échec des pouvoirs publics à engager le secteur de l’immobilier tertiaire vers la transition énergétique ou au contraire une preuve de l’engagement des acteurs du secteur dans la mobilisation vers la transition énergétique de la France ? Lois Moulas, Directeur général du l’Observatoire de l’immobilier durable, nous livre son analyse sur la question en exclusivité pour Datanergy.

Comment le marché a-t-il réagi à l’incertitude sur les obligations en termes de performance énergétique ? L’obligation a-t-elle été anticipée ou au contraire constatez-vous un certain attentisme des acteurs de l’immobilier tertiaire ?

Le marché des grands gestionnaires immobiliers est déjà en ordre de bataille sur les questions d‘efficacité énergétique depuis plusieurs années. Dès le Grenelle de l’environnement en 2007, les acteurs immobiliers ont lancé de vastes campagnes d’audits énergétiques de leurs parcs. En 2011, la mobilisation impulsée par le Plan Bâtiment Durable autour du rapport « Gauchot » a rassemblé des 100 aines de professionnels de tout horizon. En 2012, 7 acteurs majeurs de l’immobilier décidaient de mettre en commun des données et des ressources pour créer l’OID qui rassemble aujourd’hui une cinquantaine de membres et partenaires ! On peut donc bel et bien affirmer que les acteurs sont déjà mobilisés et actifs indépendamment de ces incertitudes.

Si l’indicateur annuel de performance énergétique de l’OID – 429 kWh/m².an en 2016 – présente une variation faiblement à la baisse, cela témoigne simplement du temps long dans lequel le cycle de vie (et d’amélioration) de l’immobilier s’inscrit, et non pas d’un attentisme. En témoignent également les très bons résultats d’acteurs comme Altarea Cogedim ou Gecina en matière de réduction de leurs consommations énergétiques.

Ainsi, il faut comprendre que les dynamiques d’efficacité énergétique répondent à des logiques réglementaires et de marché bien plus large que seul le fameux « efficacité énergétique ». Pour ne citer que ce texte-là, l’article 173-VI de la Loi de Transition énergétique

impose aux investisseurs d’expliquer comment ils prennent en compte les enjeux ESG dans leur politique d’investissement. Dans ce cadre, les acteurs immobiliers sont déjà sollicités pour fournir des indicateurs environnementaux tels que les consommations énergétiques des actifs gérés.

À lire également : : « Nous souhaitons donner un nouveau souffle à la rénovation énergétique du parc tertiaire » Anne-Lise Deloron, Directrice adjointe du Plan Bâtiment Durable

Quels sont les leviers qui permettraient aujourd’hui de massifier les économies d’énergie dans l’immobilier tertiaire ?

La réglementation fixe un cadre et inscrit les actions dans une stratégie nationale et internationale, mais cela n’est pas suffisant. Réaliser des économies d’énergie requiert d’impliquer un nombre important d’acteurs : propriétaires, gestionnaires, utilisateurs, etc. Massifier les économies d’énergie nécessite d’activer tous les leviers disponibles : réglementaire, économique et de marché.

Les rapports successifs de l’OID et de la « Charte Tertiaire » ont démontré l’importance du dialogue et la pédagogie. Il s’agit aussi de bien comprendre les usages spécifiques de l’énergie. L’innovation technologique seule ne résout pas tout, encore moins si elle est source de complexité à un moment où nous devons faire preuve de pédagogie. L’accompagnement au changement est indispensable, et la transition écologique et énergétique est sociale avant tout. Enfin, il s’agit aussi de partager les bonnes pratiques et les difficultés pour avancer ensemble, et c’est notre raison d’être.

Comment se situent les acteurs français par rapport leurs voisins ?

Ce mardi 10 octobre, l’OID et le GRESB (Global Real Estate Benchmark) ont présenté les résultats français de l’édition 2017 de l’évaluation GRESB, référentiel international sur la performance ESG des portefeuilles immobiliers.

La France n’a clairement pas à rougir de ses résultats. Les foncières françaises font office de leaders du classement. A titre d’exemple : Altarea Cogedim – 1er Listed Retail Monde, Gecina – 1er Listed Office Europe et Icade – 1er Listed Diversified Europe.